par Geshe Lhundup Gyaltsen de la tradition bönpo du Tibet
Traduit du tibétain par Jean-François Buliard
Collection Dzogchen,
Paru le 1 décembre 2023.
UN RECUEIL D’ENSEIGNEMENTS
Ce livre est une approche philosophique et dialectique du tantrisme et du Dzogchen articulée autour du classique triptyque de la base,de la voie et du fruit.
Écrit à l’origine en tibétain par Geshe Lhundup Gyaltsen pour ses condisciples moines alors qu’il finissait ses longues étudesphilosophiques au monastère bönpo de Menri, en Inde du Nord, il avait pour finalité de résumer les argumentations établissant la vue correcte des plushauts enseignements de l’école du Yungdrung Bön afin « d’aider ceux qui veulent vraiment aller plus loin dans la compréhension des tantras et du Dzogchen, sansse contenter d’une simple croyance dénuée de toute connaissance profonde ».
Établi en France depuis 2010 où il enseigne sa tradition, Geshe Lhundup Gyaltsen a souhaité que cet ouvrage soit accessibleégalement aux étudiants occidentaux. C’est désormais chose faite avec cette présente traduction.
Format 148 x 210 mm broché ; 220 pages ; Prix public : 20 euros
Pour l'instant, ce livre existe seulement en Français et en Tibétain
Pour le commander, vous pouvez vous rendre directement sur le site des éditions Yogi Ling :
EXTRAIT
LA BASE DES MANTRAS SECRETS
Pour présenter la base dans la voie de la transformation du Grand Véhicule, nous aborderons tout d’abord sa nature en expliquant en quoi elle consiste. Puis, nous verrons comment la libération naît de la réalisation et le fourvoiement [1] de l’absence de cette dernière.
A. La nature de la Base dans la voie de la transformation
On trouve ces mots dans l’Athri :
Si l’éveil en tant que Base n’est pas reconnu,
L’éveil en tant que voie n’émergera pas dans l’esprit
Et s’il n’émerge pas, l’éveil en tant que résultat ne se manifestera pas.
Ainsi, nous distinguerons la Base de l’état naturel de la Base de l’objectif [2] . Le tantra Chipung Sangwa Senthub nous dit à ce propos :
La conscience [3] de la Base universelle
N’est rien de particulier mais elle est totale clarté.
Sans couleur ni substance,
Ni existante ni non-existante, elle n’est ni éternelle ni promise au néant.
Sans production ni cessation, elle n’est ni apparence ni vide.
Ni à adopter ni à rejeter, elle n’est ni objet ni conscience
Et n’est ni mouvante ni inchangeante.
Elle ne s’identifie ni aux facteurs afflictifs1 ni à la compassion,
Ni aux cinq poisons ni à la sagesse originelle.
Elle n’est ni bouddha ni être animé,
Elle ne va ni ne vient,
Elle n’est ni sapience ni manifestation du mental,
Ni chimère ni stabilité.
Ni soi ni autrui,
Elle n’a pas été créée par le grand sage Shenrab
Ni façonnée par d’habiles personnes.
Elle est semblable aux limites du ciel.
Extrait 2
.... B. Les quatre initiations
L’initiation constitue la porte d’entrée de la voie des mantras secrets. En effet, de la même manière que la bodhicitta orientée vers le suprême éveil forme la porte d’entrée du Véhicule des transcendances dans le cadre de la vérité conventionnelle, l’initiation qui porte à maturité l’esprit non encore mûr permet de pénétrer sur la voie du Grand Véhicule des mantras secrets.
Comme il est dit dans le Sangdön Namche :
L’initiation ouvre la porte donnant accès à la voie profonde.
Et dans le Denö Dzö :
Les quatre initiations forment la toute première porte pour entrer dans les mantras secrets.
Lorsqu’il est dit qu’il faut d’abord obtenir une initiation pour se retrouver sur la voie tantrique, on peut alors se demander si l’initiation précède ou pas cette voie et, si elle ne la précède pas, en quoi peut-on parler de porte donnant accès à la voie. En réponse, on doit considérer que ce qu’on appelle la « porte d’entrée » de la voie tantrique est l’initiation car celle-ci porte l’esprit à maturité afin qu’il devienne un receptacle adapté aux mantras secrets. Pourquoi cela ? Pour la raison suivante : quel que soit le système tantrique du Bön – extérieur, intérieur ou secret –, avant de s’engager en toute activité positive (étude, enseignement, méditation, etc.), on commencera par faire en sorte de recevoir une initiation auprès d’un Pönse qualifié.
Comme il est dit dans le Yungdrung Wangyü :
Il est certain que l’obtention d’une initiation est le préalable
Pour entreprendre et réaliser quoi que ce soit.
On doit considérer que la voie des mantras secrets et l’initiation véritable naissent toutes deux simultanément dans le courant de conscience. En effet, il n’y a pas d’obtention de la voie tantrique sans obtention de l’initiation et l’obtention de celle-ci implique l’obtention de la voie.
On trouve ces mots dans le commentaire Yishin Nampar Köpai Gyen :
On doit recevoir l’initiation car, dans le cas contraire, on ne peut franchir la porte des mantras. Si l’on entre [sur la voie, sans obtention véritable de l’initiation], les qualités [de la voie tantrique] ne naîtront pas dans l’esprit et on tombera sous la coupe des obstacles comme des circonstances [contraires].
L’essence de l’initiation est la sagesse originelle née d’elle-même. Dès lors, on doit considérer que l’obtention de l’initiation suppose au minimum d’avoir reçu l’introduction à cette sagesse.
En outre, le Gyutrül Drawa dit ceci :
Qu’elles soient extérieures, intérieures ou secrètes,
Je te confèrerai toutes les initiations, sans exception.
Comme il n’y a pas de phénomènes ailleurs que dans l’esprit,
L’initiation ne se manifeste pas ailleurs que dans le courant de conscience.
La suprême initiation se trouve dans l’esprit ;
Ce sont les déités et Shenpos des trois temps qui l’ont dit
Et moi aussi, je l’exprime de la même manière.
Si la suprême initiation [n’a pas été intégrée] en soi,
Elle aura beau avoir été conférée, elle n’aura pas été obtenue.
En effet, l’initiation aura été transmise en totalité
Mais elle n’aura pas eu de résultat
Extrait 3
C. La phase de création
La voie tantrique distingue la phase de création de la phase d’achèvement. La première sera analysée en dix points :
1. Explication des trois samadhis comme porte d’entrée
2. Caractéristiques de la phase de création
3. Distinctions à établir
4. Comment méditer dans la phase de création
5. Visualiser la déité
6. Comment corriger les défauts et suivre correctement la voie
7. Mêler l’esprit à la non-dualité pour se connecter à la réalité
8. Le degré de familiarisation dans la phase de création
9. Comment passer de la phase de création à celle d’achèvement
10. Étymologie de la phase de création.
• L’objet de la purification
• L’action purificatrice
• Le mode de purufication
C.1. Explication des trois samadhis comme porte d’entrée
Ces trois samadhis se rapportent respectivement à :
C.1.1. L’ainsité
C.1.2. La totale manifestation
C.1.3. La cause.
Chacun de ces samadhis sera abordé en trois points :
C.1.1 Le samadhi de l’ainsité [4]
C.1.1.1 L’objet de la purification
Les imprégnations psychiques se manifestant sous forme de souffrances dans l’état existentiel de la mort représentent l’objet de la purification. Il est dit que les éléments physiques qui s’étaient manifestés à partir de l’élément espace jusqu’à l’élément terre [5] se dissolvent graduellement dans un processus inverse au moment où la destruction se produit lors du bardo du moment de la mort. À la fin, tout le sang des petits vaisseaux sanguins se rassemble dans le canal vital. Cette opération amène l’émission consécutive de trois gouttes de sang, ce qui entraîne trois respirations finales de plus en plus courtes avant l’arrêt subit de la respiration externe. Puis, s’élèvent, les unes après les autres, les trois expériences intérieures de la luminosité, de l’accroissement et de l’imminence [6] . C’est à ce moment-là que s’interrompent les quatre-vingt-cinq facteurs afflictifs (les trente-trois conceptions issues de l’aversion, les quarante issues du désir-attachement, les sept issues de l’opacité mentale, les trois issues de la jalousie et les deux conceptions – grossière et subtile – issues de l’orgueil).
Le tantra Lam Ngön Sangyepa l’explique dans le passage commençant par « les cinq facteurs afflictifs cessent en cinq fractions de seconde » jusqu’à « les deux aspects grossier et subtil de l’orgueil s’interrompent ».
À ce stade, l’esprit est semblable à un ciel d’automne sans nuage, vide de toute manifestation, de toute pensée et de toute discursivité. Son étendue ne s’arrête nulle part et il ne tombe dans aucune position déterminée. La grande omniprésence de la contemplation éveillée est l’union indissoluble de la vacuité et de la Conscience, la sagesse nue, née d’elle-même et libre de tout voile obscurcissant. On lui donne le nom de « Base de la liberté originelle dont la nature est Claire Lumière ». Il est certain que la Claire Lumière naturelle de la mort s’élève chez tous les êtres animés, qu’ils la reconnaissent ou pas.
Citons le Lam Ngön Sangyepa :
Une fois que les éléments se sont réabsorbés, le Réel naturel émerge
Et la Claire Lumière semblable au ciel se manifeste pour tous.
Lorsque se produit ce court instant de Claire Lumière, l’objet de la purification est la non-reconnaissance de celle-ci, à l’image de la rencontre avec un inconnu, et le manque également de la pleine conscience parce que l’on s’y était très peu accoutumé antérieurement.
Extrait 4
LA BASE DU DZOGCHEN
À présent, voici la présentation quelque peu abrégée des principes du Véhicule de la Grande Perfection ou Dzogchen, l’insurpassable voie de la libération qui représente le coeur de tous les tantras, agamas et upadeaas, la quintessence des quatre-vingt-quatre mille systèmes d’enseignement et le pinacle des neuf Véhicules graduels. Elle constitue elle-même une catégorie des trois types de voies, avec celles des abandons et de la transformation.
Seront successivement abordés :
A. La Base telle qu’elle est ou le mode d’être fondamental
B. La voie naturelle à pratiquer
C. Le résultat de la voie pratiquée.
A. La Base telle qu’elle est ou le mode d’être fondamental
A.1. Bref enseignement sur le mode d’être de la Base dans sa nature fondamentale
Citons le Dringpo Sorshag :
En premier lieu, qui ne connaît pas le mode d’être
Ne prendra pas la place-forte dans la Base.
Puis, qui ne connaît pas le mode d’égarement
Ne déracinera pas le fourvoiement.
Enfin, qui ne voit pas la réalisation s’élever en lui
Ne renversera pas la continuité du samsara.
Extrait 5
A.7. La voie de la libération
Des trois voies – celles des abandons, de la transformation et de la libération – cette dernière en représente le pinacle. Dans le système de l’insurpassable Grande Perfection, il n’y a pas de voie à parcourir, elle est subite ; il n’y a rien à abandonner, tout est auto-libéré et c’est pourquoi on n’y trouve pas de Terres et de Voies à franchir graduellement, à la différence des Véhicules inférieurs.
Citons :
– Le tantra Kundü Rölpa :
Comme il n’y a ni Terres ni Voies à franchir, elle transcende [toute notion de] niveaux.
– Le Lungdrug :
Il n’y a pas de voie à parcourir et il n’y a pas plus de Terre à franchir.
– Le Men-ngak Senge Drayang :
Il n’y a pas de voie à parcourir.
Ne pas voir qu’il n’y en a pas est un obscurcissement. Voir qu’il y a [une voie à parcourir] est une déviation.
En bref, le maintien de la Conscience et de cela seulement est l’unique remède à toutes les maladies, le savoir unique qui tout libère, l’antidote universel.
Si on est capable de l’intégrer à la voie, sans jamais s’en défaire, dans les quatre activités physiques et autres, en ramenant tout au champ de la telléité, la sphère unique qu’est la nature de l’esprit, les défauts des Véhicules inférieurs sont éliminés par eux-mêmes, sans qu’il soit nécessaire de les rejeter.
Citons à nouveau le Senge Dradrak :
Les défauts des autres Véhicules
Sont éliminés d’eux-mêmes sans avoir à être rejetés.
Les qualités des autres Véhicules, également,
Sont obtenues spontanément et sans effort.
Notes
[1] ‘Khrul pa. C’est-à-dire l’égarement qui consiste fondamentalement à prendre pour réel ce qui ne l’est pas et à ne pas discerner ce qu’est la réalité.
[2] Le tantra Sangdön Namche et d’autres également distinguent deux Bases, celle de l’état naturel [gnas lugs kyi gzhi] et celle du but poursuivi [dmigs yul gyi gzhi].
[3] Le terme tibétain utilisé ici [rnam shes] pourrait laisser croire qu’on parle de la conscience ordinaire et dualiste mais il s’agit en réalité de la Conscience éveillée [rig pa] non-duelle dont on parle ici.
[4] Absorption méditative dans la vacuité. Elle constitue le premier des trois samadhis dans la phase tantrique de création.
[5] Les cinq grands éléments (terre, eau, feu, vent et espace) apparaissent graduellement de l’espace jusqu’à la terre mais au moment de la mort, ils se dissolvent les uns après les autres dans un ordre inverse, de la terre jusqu’à l’espace.
[6] sNang mched thob gsum. Les trois stades de dissolution interne au moment de la mort, avant l’émergence de la Claire Lumière.
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